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Photo du rédacteurRaphen Hypnose

Hypnose & printemps : à chacun son hirondelle ( 3 / 4 )

Dernière mise à jour : 10 mai

Elle s’appelle Sofia.

Elle a 6 ans.

Elle vient parce que c’est sa mère qui l’a amenée.


Sa mère l’a amenée parce que Sofia commence à avoir des difficultés à l’école. Elle veut prendre 𝑙𝑒 𝑝𝑟𝑜𝑏𝑙𝑒̀𝑚𝑒 le plus tôt pour éviter que Sofia ne décroche ou parte avec une forme de perte de chance.

Et puis, pour qu’elle se sente mieux aussi, bien sûr.

La maman de Sofia est venue seule. Le papa de Sofia ne croit pas à ces trucs d’hypnose. Déjà qu’il a fallu bataillé pour le psy…

Des séances qui ont fait un peu de bien à Sofia, elle s’applique un peu plus, elle se gratte un peu moins les coudes.


Pendant que sa Maman parle, Sofia écoute en se tenant un peu les avant-bras. Sans se gratter les coudes.

Elle regarde souvent sa maman, qui parle, beaucoup. Elle me regarde aussi avec plus de questions que de curiosité enfantine. Je la regarde sans la regarder d’un coin de champ de vision périphérique.

Vient le moment d’interrompre en douceur le flot de paroles et de présence : ce partage est important pour établir un lien de confiance et avoir des éléments de contextes importants.

Comme souvent, une part de l’essentiel se transmet dans les regards, les gestes, les postures.

Une part à interroger pour balayer des intuitions parfois mal orientées.

La maman de Sofia est venue pour Sofia : il est donc temps de laisser Sofia s’exprimer.

Seule ? Hmm… Regards croisés et indécis côté mère et côté fille.

Elles se ressemblent beaucoup.


Le fait de lui proposer de filmer la séance rassure la maman de Sofia, et par ricochet Sofia aussi.

Timide d’abord. Des mots - mais pas trop - pour se mettre mutuellement en confiance.

Alors, la parole se libère un peu - pas les flots de paroles de sa mère, mais il y viendra peut-être un jour : on devine beaucoup de malice sous ses voiles de légère anxiété.

Elle sait pourquoi sa Maman l’a emmenée faire une séance : pour aller mieux.

Elle sent bien qu’il y a quelque chose qui la dérange dans sa tête et la fait parfois respirer trop fort et s’énerver au moment des devoirs et à l’école.

Lire, écrire, ça lui prend beaucoup d’énergie. Et de plus en plus quand elle y pense à l’avance ( les devoirs, l’école, Maman qui souffle souvent du nez mais ne s’énerve jamais devant elle ).


Suit un échange placé vers les émotions et quelques outils d’ajustement dont Sofia s’empare très vite - ce que ça fait quand la respiration s’accélère, quand le cœur bat plus fort, quand ça se noue dans sa tête, quand les larmes pourraient venir mais qu’elle le retient pour ne pas que sa Maman souffle plus fort du nez. Sofia a déjà compris beaucoup de choses.

A-t-elle amené son doudou ? Non, on a oublié avec Maman. On est parti en retard et …

Tout va bien, et ça tombe bien : il y a d’autres doudous là dans ce coin-là. Elle peut en choisir un si elle veut, pour le jeu qu’on s’apprête à tester ensemble pour qu’elle puisse aller voir d’un peu plus près ces nœuds dans sa tête.


Elle choisit un dinosaure mauve. Il est un peu spécial : il n’est pas vraiment doux, il est recouvert de film froissé pour la texture et pour le bruit. En fait, c’est un jouet pour chien ( propre, bien entendu )…

Ça m’embête pas, je l’aime bien avec sa corne sur la tête.

Sofia le caresse et joue avec la texture et le bruit du froissement.

Elle rigole, on rigole.

Alors on se dit qu’elle est prête pour aller voir ses nœuds dans sa tête.

Prête ? Prête.


Suivent plusieurs petits jeux d’activation de l’imaginaire : un coffre aux trésors, des objets qui surgissent, des images qui encouragent.

Et très vite, et déjà ( et depuis le presque tout début en vérité ) Sofia se tisse son état d’hypnose - comme le font naturellement les enfants une grande partie de la journée quand le monde des adultes veut bien les laisser faire.

En deux ou trois touchers de cornes et de mantra magique, Sofia se retrouve dans sa tête, au milieu de ses nœuds. Son cœur bat plus fort, son front se plisse ; elle respire comme on vient de l’apprendre ensemble, son dinosaure est là, ma voix et ma main aussi.

On continue ? On continue.

Sofia explore petit à petit avec la curiosité d’une exploratrice. Mais ça tourne encore un peu vite.

Je te raconte une histoire pendant que tu continue d’aller voir dans tes nœuds ?

Oui, elle veut bien. Elle aime beaucoup les histoires.


On est au printemps. Le vert pousse aux arbres et les histoires de printemps refleurissent par tous les canaux.

Et notamment celle de Mărţişor : dans un pays pas très loin d’ici, le 1er mai on ne s’offre pas du muguet mais des petites figurines tressées de fils rouges et blancs pour célébrer l’arrivée du printemps et se souhaiter bonheur et fertilité après que l’hiver se soit retiré ( une légende évoquée à grands traits, certaines versions de cette légende se déroulant plutôt sur fond de meurtre, de suicide et de guerre entre Romains et anciens Roumains… c’est l’avantage des légendes, on les raconte et on y prend ce qui nous est utile ).


Où en est-elle avec ses nœuds ?

Pendant la brève histoire cousue de fils rouges et blancs, les yeux de Sofia se sont beaucoup promenés sous ses paupières, le bout de ses doigts et ses bras aussi.

J’ai fait des nouveaux nœuds.

Ah oui ? Et, c’est comment d’avoir des nouveaux nœuds ?

Ça tient mieux, ça me rassure. Je vois aussi où je peux tirer pour que ça se serre un peu plus là ou si je desserre de l’autre côté …

Voilà un autre volet des histoires qui en font des alliées précieuses de diversion : l’attention portée à raconter empêche parfois de foncer sur des sacs de nœuds qu’on voudrait à tort démêler.

Une idée glissée pour faire le lien entre des boucles de lettres et des lignes de mots.

Des silences, un front qui se plisse et qui s’étonne, qui se replisse et s’assouplit. Et s’étonne encore.

Sofia finit son exploration en s’amusant de voir ses nœuds qui changent de couleur au son du ventre froissé de son dinosaure-doudou-par-interim.


Comment elle se sent maintenant ?

Je les aime bien mes nœuds.

Sofia repose le dinosaure et sa corne dans le coin du cabinet. Son regard se pose sur quelques bandes-dessinées.

Sa maman nous rejoint, pleine de nœuds interrogateurs et inquiets dans le regard et dans le cœur.

Elles échangent un regard. Ou peut-être des mărţişoare (in)connues d’elles seules.

Sofia a l’air d’aller plutôt bien : tu veux qu'on prenne un autre rendez-vous avec la dame ?

Sofia aimerait bien.


Elle jette un regard vers le coin : tu me la rapportes la semaine prochaine et tu me racontes ?

L’histoire ne dit pas de quelle BD il s’agissait, ni quels fils en seront tirés.

Seulement ceux qui se sont noués et dénoués sous le toucher d’un papier froissé par une petite fille déjà très douée.




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