Placebo, nocebo : tout est matière à auto-suggestion.
Ce qu'avait très bien vu Emile Coué, pharmacien et inventeur de la méthode éponyme, après des années passées à observer les réactions des patients de son officine.
Prenez une fiole d'𝘢𝘲𝘶𝘢𝘱𝘶𝘳𝘢 (de l'eau pure).
Collez-y une étiquette indiquant : « Produit très efficace, agit dans les 24 heures »
Mieux encore : préparez cette aquapura en blouse blanche et avec moult ballons, décanteurs et distillateurs - à défaut filmez-vous et postez la vidéo sur les réseaux les plus en vue, ou sur tous les réseaux pour être bien sûr(e) d'être vu(e).
Tendez au patient la fiole avec attention et considération pour son mal - réel ou imaginaire.
Vous tenez là un vrai remède - et une dose d'hydratation supplémentaire, pensez à vos 2,5 litres d'eau quotidiens, ça change la vie.
Un câlin magique sur un bobo mineur.
Un quelconque comprimé pour calmer un quelconque inconfort.
Des somnifères qui agissent parfois plus par habitude que par réel effet sédatif.
Des antidépresseurs qui agissent parfois plus par habitude que par réel effet sur la fine mécanique de l'humeur.
Des granules sucrés contre le mal de mer.
Une crème plus onctueuse qui hydrate plus qu'une autre.
Une microdose de psilocybine pour être plus créatif.
Une infiltration fictive dans le genou pour soulager des douleurs.
Une opération chirurgicale 𝘱𝘰𝘶𝘳 𝘥𝘦 𝘧𝘢𝘶𝘹.
Jusqu'à l'injection d'eau saline déclenchant un rush de dopamine dans le cerveau de personnes atteintes de Parkinson.
Un effet placebo que Fabrizio Benedetti, chercheur expert du sujet, compare d'ailleurs au cinéma : un film d'horreur pourra vous faire ressentir physiquement les effets de la peur (frissons, chair de poule, palpitant qui s'anime...) même si vous savez pertinemment que tout ça est fictif.
Un film d'amour peut vous faire pleurer, un film d'aventure peut vous faire vibrer.
La vue d'une seringue ou d'une goutte de sang peut vous faire chavirer.
Un mauvais 𝘧𝘦𝘦𝘭𝘪𝘯𝘨 avec votre médecin vous faire douter d'une prescription (parfois à raison).
Des informations anxiogènes vues et entendues en boucle vous faire sombrer.
Placebo : je plairai. Nocebo : je nuirai.
Mais il y plus : le placebo ouvert.
Dire clairement à un patient qu'il s'apprête à prendre un traitement placebo ne cassera pas l'effet placebo...
à condition que le médecin soit convaincant.
Voilà bien toute la finesse de la psychologie humaine, et toute l'importance du rituel, de la relation, de l'intention.
« L'impossible soustraction » : ce concept du philosophe François Dagonet (𝐿𝑎 𝑟𝑎𝑖𝑠𝑜𝑛 𝑒𝑡 𝑙𝑒𝑠 𝑟𝑒𝑚𝑒̀𝑑𝑒𝑠) désigne l'impossibilité de dissocier le seul effet d'un traitement (médicamenteux, chirurgical, radio- ou chimie-thérapique, psychothérapeutique...) de tout ce qui se joue autour : la relation soignant/soigné, les attentes et le vécu du patient, les attente et le vécu du soignant, le contexte ambiant (dans un contexte légèrement anxiogène de pandémie par exemple), la couleur du papier-peint du cabinet ou la lumière plus ou moins blanche du laboratoire où se déroule l'essai clinique... Et tant d'autres.
Autant d'éléments qui ont aussi leur importance dans l'hypnose.
Les images que vous avez de l'hypnose et ce que vous en attendez,
la façon dont vous avez contacté un(e) praticien(ne),
la manière dont il/elle vous a répondu la première fois,
la décoration d'un cabinet,
le temps pris pour se mettre à l'aise,
la considération perçue dans un regard,
la chaleur d'une voix, la délicatesse des mots, la juste distance de l'écoute,
l'autorisation que l'on se donne à explorer,
la posture pour vous dire au revoir...
Et tant d'autres.
Pour autant, réduire l'hypnose aux seuls effets du placebo serait nier les résultats d'études toujours plus nombreuses à préciser les caractéristiques de cet état si particulier.
À vous de voir, de croire que vous pouvez le vouloir.
Comme il vous plaira.
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